Dépression


La liste des principaux antidépresseurs et leurs règles d’utilisation sont récapitulées dans le tableau en fin de chapitre.

Fréquence importante des troubles anxio-depressifs en cancérologie : 4 fois plus fréquents que dans la population générale.

Retrouvés à tous les stades de la maladie.

Entrainent une altération de la qualité de vie et une moins bonne adhésion au traitement.

Types

  • dépression majeure chez 10 à 15% des patients suivis pour un cancer
  • dépression mineure à modérée chez 30 à 40% des malades.
  • troubles anxieux chez 50% des patients
  • troubles de l’adaptation chez plus de 50%.

Facteurs de risque de dépression en cancérologie

  • Stade avancé de la maladie avec non contrôle de la douleur ou autres symptômes physiques
  • Sexe féminin
  • Patient jeune (15-54 ans)
  • Statut marital : célibataire, veuf, séparé ou divorcé
  • Antécédents psychiatriques personnels ou familiaux
  • Traits de personnalité
  • Problématique sociale, familiale ou professionnelle : isolement social, faible niveau socio-économique, appartenance à une minorité ethnique, perception d’un manque de soutien social
  • Préoccupations importantes en relation avec le cancer certains produits de chimiothérapie
  • Troubles métaboliques

Facteurs de risque de suicide

  • 1ère année après le diagnostic
  • Phase avancée de la maladie
  • Présence de symptômes physiques non contrôlées : douleur, asthénie
  • Certains types de cancer : ORL, poumon, tumeur gastro-instestinal, SNC
  • Patient dans le contrôle
  • Antécédents personnels ou familiaux de suicide, tentative de suicide, addiction, troubles de la personnalité

Diagnostic

Dépression de forme mineure : si 2 à 4 des 9 symptômes décrits pour la dépression majeure persistent au moins 2 semaines

Dépression de forme majeure :

  • ≥ 1 symptôme majeur sur 2
  • ET ≥ 5 symptômes associés sur 9
  • ET évolution depuis 2 semaines
  • ET existence d’un changement par rapport au fonctionnement antérieur

Symptômes majeurs :

Humeur dépressive ou Perte d’intérêt ou de plaisir

Symptômes associés :

  • Humeur dépressive signalée par le sujet (par exemple, se sent triste ou vide) ou observée par les autres (par exemple pleurs)
  • Diminution marquée de l’intérêt ou de plaisir pour toutes ou presque des activités
  • Perte ou gain de poids significatif
  • Insomnie ou hypersomnie
  • Agitation ou ralentissement psycho-moteur
  • Fatigue ou perte d’énergie
  • Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée
  • Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision
  • Pensée de morts récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes

Principes de prise en charge

  • Prise en charge précoce afin de diminuer l’intensité des troubles et d’éviter la chronicisation.
  • Associant psychothérapie et traitement médicamenteux anti dépresseur.
  • De préférence par voie orale en première intention, voie IV en cas de mucite (certains médicament sont également disponibles sous forme de gouttes).
  • Durée minimale de traitement recommandée : 6 mois
  • Taux de réponse maximum dans les 6 à 12 premières semaines du traitement.
  • Diminution significative de 50 à 60% des troubles anxiodépressifs par le traitement médicamenteux.
  • Informer les malades
    • Efficacité non immédiate
    • Nécessité de poursuite du traitement même après amélioration des symptômes.
    • Pas d’arrêt brutal du traitement

Les antidépresseurs en pratique

  • En première intention : un ISRS ou un IRSNa (escitalopram ou seroplex® / sertraline ou zoloft®)
  • Plus rarement un imipraminique, également prescrit en cas de douleur neuropathique (comme les IRSNa) mais à plus faible dose.

Avant d’instaurer un traitement antidépresseur

  • Prendre en compte les interactions médicamenteuses des anticancéreux du fait de l’action sur les cytochromes hépatiques.

Cytochromes et antidépresseurs :

Les enzymes 1A2, 2D6, 2C9, 2C19, 3A4 du CYP 450 sont impliqués dans le métabolisme des antidépresseurs.
Certains médicaments utilisés en cancérologie sont également métabolisés par CYP 450.
Le principal exemple est celui du tamoxifène dont la concentration sanguine dépend du CYP2D6. Ainsi les inhibiteurs du CYP 2D6 peuvent résulter en une inhibition du tamoxifène.
Pour cette raison, l’utilisation de fluoxétine (Prozac®), de paroxétine (Déroxat®) et de sertaline (Zoloft®) n’est pas conseillée en association au tamoxifène.
Le citalopram (Séropram®), l’escitaopram (Séroplex®), la venlafaxine (Effexor®) et la mirtazapine (Norset®) sont les antidépresseurs de choix en association au tamoxifène.
Autres médicaments interagissant avec le CYP 450 : cyclophosphamide, ifosfamide, paclitaxel, thalidomide, tamoxiféne, vinblastine, vincristine, vinorelbine, étoposide, gefitinib, imatinib. Un avis auprès des pharmaciens est recommandé.

Aucun bilan biologique systématique recommandé avant prescription des ATD de type ISRS, IRSNa ou d’un médicament appartenant à la classe « autre antidépresseur ».

Cependant, en cancérologie, on peut conseiller de

  • Contrôler la NFS (risque hémorragique avec les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine),
  • La natrémie (hyponatrémie et SIADH avec ISRS),
  • La fonction rénale et hépatique.
  • Réaliser un ECG avec étude du segment ST (pour les imipraminiques)

Chez l’insuffisant rénal : préferer la sertraline et la miansérine ;

Chez l’insuffisant hépatique : le milnacipran et la sertraline.

Existence d’un risque accru de syndrome sérotoninergique en association avec le tramadol.

Quand associer un anxiolytique ?

  • Poursuivre une BZD si le patient est déjà sous benzodiazépine (risque de sevrage) puis essai de décroissance une fois l’efficacité anti dépresseur obtenue.
  • Introduction d’une BZD en cas d’anxiété majeure.
  • Introduction d’un neuroleptique à petite dose (typeTercian®) en cas d’impulsivité associée

Gestion de la dose

  • Bonne tolérance et efficacité partielle à 3 semaines : augmentation de la posologie
  • Si persistance de l’inefficacité après augmentation : avis d’un psychiatre et/ou changer de molécule.

Principaux antidépresseurs

Antidépresseurs sérotoninergiques purs (IRS)

Fluxoxétine Prozac®

(attention t1/2vie 4-7j

Gel 20mg, Cp dispersibles à 20mg.

Sol buvable 20mg par mesure de 5mL

20 mg/j en une prise unique le matin, dose maximale de 60mg/j

A préférer en ca de risque de prise de poids

Déconseillé avec tamoxifène.

Fluoxamine Floxyfral®

Cp sec 50mg

Cp 100mg

100 mg/j en 1 prise le soir au repas (jusqu’à 300 mg en 2 à 3 prises/jour)

Déconseillé avec tamoxifène.

Paroxétine Déroxat® Divarius®

Cp 20 mg

Susp buvable (150ml) avec doseur (10mg/5ml)

20 mg/j le matin, au repas en une prise, dose max: 60mg/j

Déconseillé avec tamoxifène.

A éviter si glaucome à angle fermé.

Sertaline Zoloft®

Gel 50mg

Gel 25mg

50 mg/j à un repas poso max: 200mg/j

Intérêt en cas d’insuffisance rénale-hépatique.

Déconseillé avec tamoxifène.

Citalopram

Séropram®

Cp sec 20 mg

So buvable: 40 mg/ml avec seringue graduée de 0,01 à 1 mL

Amp 20mg/0,( ml et 40 mg/ml

20-60 mg/j, en débutant à 10-20mg (max: 60mg/J en une prise)

sol: 16-32 mg, débuter à 10-20mg/j max: 40mg/j

IVL: 20 à 40mg/j, débuter 10-20mg/jusqu’à 40mg en une injection/jour.

CI: allongement intervalle QT et insuffisance rénale sévère.

Intérêt en cas de bouffée de chaleur.

Escitalopram Seroplex®

Cp sec 5mg, cp sec 10mg

Cp sec 15 mg

Cp sec 20 mg

10 mg/j en une prise, débuter à 5mg/J la première semaine (dose max 20 mg, 10 mg après 65 ans).

CI: allongement intervalle QT et insuffisance rénale sévère.

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA)

Milnacipran, Ixel®

Gel 25 et 50 mg

100 mg/j en deux prises au cours des repas.
A adapter à la fonction rénale

Autorisé en cas d’insuffisance hépatique sévère.
Attention si adénome prostatique.

Duloxétine, Cymbalta®

Gel gastroresist 30mg ou 60mg

60 à 120mg/j en 1 à 2 prises

A éviter si glaucome à angle fermé

Mirtazapine, Norset®

Cp 15mg

Sol: 15mg/mL

15mg au repas du soir, puis augmentation par palier de 15 tous les 30 jours (max: 45mg/j)

Prise de poids. A préférer en cas de troubles du rythme.

Attention si adénome prostatique.

ATD de choix chez sujets âgés.

Venlaflaxine, Effexor® Venlaflaxine LP

Gel LP 37,5 ou 75mg

75 en 1 prise pendant les repas (dose maximale de 375mg/j à atteindre par paliers de 75mg tous les 15j)

Intérêt en cas de bouffée de chaleur.

A éviter si glaucome à angle fermé.

« Autres » antidépresseurs

Miansérine, Athymil®, miansérine®

Cp 10mg, 30mg

Cp sec 60mg

30 à ç0 mg/j en une prise le soir ou en prises fractionnées pendant la journée (sans excéder 60mg/prise)

Intérêt si insuffisance rénale. A préférer en cas de trouble cardiaque sévère. Pas de risque en cas de glaucome à angle fermé.

Tianeptine, Stablon®

Cp 12,5mg

12,5mg, 3 fois par jour, si >70ans ou ins rénale: 2x12,5mg/j

Seul antidépresseur à ne pas abaisser le seuil épileptogène.

Autorisé en cas d’insuffisance hépatique sévère.

Clopramine, Anafranil®

Cp 10mg

Cp 25mg

Cp sec 75mg

Ampoules 25mg/2mL IV ou IM

Débuter à 25mg/j e, 1 à 3 prises/j, augmentation par paliers progressifs (dose maximale de 300mg/j et 75mg par prises)

A éviter si troubles du rythme (ECG, avis cardio)

CI; risque de glaucome aigu par fermeture de l’angle, RAU, IDM

Prise de poids

Amtripyline, Laroxyl®

Cp 25mg

Cp 50mg

Gouutes à 4%: 30mL à 1mg par goutte

Amp 50mg IV ou IM

Débuter à 75mg/j, réévaluation à 3 semaines (dose maximale de 250mg/j po)

ACTION SEDATIVE ET ANXIOLYTIQUE

 




Références bibliographiques :
Barriere J et al. Bull Cancer. 2008 Nov; 95(11) : 1103-11
Dormer NR et al. Med J Aust 2008 ; 188 : 140-3
Jin Y et al. J Natl Cancer Inst. 2005 Jan 5;97(1) : 30-9
Massie MJ et al. J Natl Cancer Inst Monogr 2004 ; 32 : 57-71
Recommandations de l’AFSSAPS – Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et anxieux de l’adulte
Référentiels de Saint Paul de Vence 2009, Oncologie 2009; 11 : 747-771
Référentiels de l’association française des soins oncologiques de support (AFSOS) 01-12-2011
Watson M et al. Lancet 1999; 354 :1331-36
Williams S et al., Br J Cancer. 2006 Feb 13; 94(3):372-90